Le train Électrique Fina Jouef et les wagons Fina

Les compagnies pétrolières, peut être par ce qu’elles comprirent tôt tout l’intérêt publicitaire d’avoir leur marque exposée sur des jouets, sont très présentes dans l’univers des modèles réduits de toutes sortes, depuis des décennies. Encore aujourd’hui, les marques pétrolières sont apposées sur des wagons Piko, Marklin, ou Hornby.

Petrofina est une ancienne compagnie financière belge des pétroles. Constituée en 1920 sous le nom de Compagnie financière belge des pétroles, ses produits étaient essentiellement commercialisés sous la marque Fina, qui était également le nom de sa société de marketing de combustibles et carburants. En 1949 Petrofina et le Groupe pétrolier britannique BP signent des accords pour la création d’une société de raffinage à Anvers, et la constitution de la SIBP (Société industrielle belge des pétroles) détenue pour moitié par chacun des deux Groupes. A partir de 1958 Petrofina commercialise ses produits sous la marque Fina (et abandonne la marque Purfina). Dès 1960 Petrofina effectue ses premières productions en mer du Nord et se diversifie dans la peinture par le rachat de sociétés de peintures néerlandaises notamment. Après la fusion de ces sociétés de peintures, sous le nom Sigma, le Groupe vend des peintures sous la marque Sigma avec des marques grand public telles Histor, etc [source Wikpédia].

Une ancienne station Fina en Ontario, au Canada.

Petrofina avait également des opérations de distribution dans l’est du Canada. Elle fût vendue au Gouvernement Canadien pour être intégrée à  Petro-Canada. En Amérique du Nord, et en particulier au Canada, la marque Fina apparaissait sur des carburants ainsi que sur divers produits pétroliers dans les stations Panhandle et ce à partir de 1958. Il ne semble pas que les trains jouets que nous décrivons dans cet article aient existés ailleurs qu’en france pour ce qui est du Train Fina ou en europe pour ce qui est des wagons. 

En 1999, PetroFina devient une filiale de Total suite à une offre publique d’échange. Le nom de la société est alors modifié en Total Petrochemicals & Refining SA/NV. 

Une station Fina typique du Canada dans les années 60-70 (DR)

Comme toutes les compagnies livrant du carburant au détail, Fina a proposé dans ses stations service des programmes promotionnels et des dizaines d’objets qui utilisaient sa marque : porte clés et autres babioles étaient au programme. 

La marque Fina, peut être parce qu’elle était connue par les stations services mais aussi visible sur des nombreux wagons, a été abondamment utilisée par les fabricants de modèles ferroviaires. Wagons, de toute tailles, citernes à bogies ou essieux, de couleur bleue, le wagon Fina est présent dans une multitude de catalogues. Jouef, Bachman, Piko, Fleischmann, Trix sont quelques unes des marques qui ont inscrit Fina dans leurs références. 

Mais surtout, et c’est l’un des aspects qui nous intéresse aujourd’hui, Fina est le seul pétrolier ayant eu son propre modèle réduit ! En effet, au début des années 70, Fina a commandé chez Jouef un modèle spécifique de boite pour son catalogue de cadeaux : le Train Fina ! 

Un des multiples exemples de wagons Fina réels (Photo Wikimedia Common)

Jouef et Fina

Avant d’examiner ce coffret, plutôt rare, il n’est pas inutile de revenir sur la présence de modèles Fina dans le catalogue Jouef. La marque a commercialisé toutes les formes de wagons citernes Fina sous finalement assez peu de références. On distingue différents types de citernes, ainsi que des degrés de précision variables pour les moules. Comme on le voit sur les illustrations ci dessous, les wagons à bogies peuvent être produits avec les deux moules utilisés par Jouef pour l’ensemble de ses citernes.

Il semble que la version la plus rudimentaire du modèle 6306 (citerne en plastique en deux morceaux avec détaillages moulés et de même couleur que la citerne) ait été mise au point dans les années 70 – on le voit en photographie pour la première fois dans le catalogue 1978-79. La version plus détaillée du modèle 6306, en revanche, avec un moule plus fin et surtout munie de pièces rapportées et colorées en noir (échelle, bouchon assez peu réaliste) existe dès 1963. Il ne semble pas y avoir véritablement eu de règle pour la commercialisation des deux types de citernes chez Jouef: bien que la finition soit incontestablement de qualité différente, on rencontre les deux types de wagons en coffrets, en boîte individuelle ou en offre bas de gamme de type Junior, sans distinction.

La référence de citerne Fina 6306 se retrouvent depuis 1975 dans des emballages variés: coffrets, vente en boîte. On note que les wagons citernes Fina sont également référencés dans le catalogue HDI ce qui voudrait dire qu’ils ont été aussi produits en Irlande.

Il existe une version de wagon Fina à bogies chez Jouef. La citerne référence 651900 est commercialisée à partir de 1990. C’est la même citerne qui sert de support pour plusieurs wagons pétrolier tel que le Esso.

La citerne à bogies utilisées pour de nombreux pétroliers tel Esso existe aussi pour Fina.

Il ne semble pas qu’il ait existé d’autres citernes à bogies Fina dans les catalogues Jouef. Mais il existe en série limitée, le fameux Train Fina dont nous allons parler maintenant.

Le Train Fina Jouef

Le couvercle de la boîte du Train Fina (photo collection de l’auteur)(c)

En 1969, le pétrolier Fina demande à Jouef de lui fabriquer un coffret spécial. C’est l’époque des points dans les stations services dont un article du Monde nous fait revivre l’esprit:

On n’ira pas jusqu’à diagnostiquer un traumatisme d’enfance. Quoique… Cinquante années plus tard, Sylvie Châtel, 59 ans, se souvient encore de la vive frustration causée par l’impossibilité d’obtenir le fameux canot pneumatique que les stations-service FINA remettaient à leurs fidèles clients. Grâce à son beau-frère, jeune VRP qui écumait les stations-service au volant de sa 4L bleue, elle avait pu accumuler assez de points pour partir en vacances avec la bouée, puis le matelas pneumatique. Mais jamais elle n’avait pu en obtenir suffisamment pour décrocher le gros lot. « Dans ces années-là, ceux qui allaient se baigner avec le canot pneumatique FINA étaient les rois de la plage. On les regardait avec envie », se remémore-t-elle. 

Bouées et porte clés, quand les stations service faisaient des cadeaux – Le Monde

Le principe des cadeaux dans les stations services (et chez les épiciers), qui existe autant en Europe qu’en Amérique du Nord est plutôt simple. A chaque plein d’essence dans les stations-services Fina, les automobilistes recevaient des points-cadeaux et pouvaient choisir un cadeau parmi une liste, selon le nombre de points obtenus. Au rang de ces cadeaux, le fameux coffret Jouef Fina, mais aussi des rails !

Le coffret du train Fina (collection de l’auteur)(c)

Le coffret Fina commandé à Jouef est de belle facture: une belle boite avec sa couverture illustrée dont le style psychédélique rappelle celui des années 70. Le support de rangement de la boîte est lui aussi sur mesure, avec le logo Fina Diffusion embossé dans le matériau. Rien n’est imprimé dans la boite que je possède, contrairement à d’autres séries spéciales de coffrets Jouefs tel que le Potasse d’Alsace, dont l’intérieur est imprimé de modes d’emplois.

Côté matériel, le coffret contient  1 locomotive Diesel BB 67001 SNCF, 2 wagons-citernes SNCF pare-soleil Fina, 8 rails courbes R= 325 mm de la gamme New rails Jouef, et 1 contacteur-inverseur à piles. Le matériel choisi appelle quelques remarques. La locomotive BB 67001 n’est pas la plus sophistiquée du catalogue Jouef de l’époque: le numéro est gravé, sans être mis en couleur. C’est une locomotive à moteur 5 pôles des premières générations telles qu’on en trouve dans tous les coffrets bas de gamme de la marque. Les deux wagons citernes à bogie sont encore plus curieux : Jouef ne possède pas encore de wagons Fina à bogie Y25 à l’époque. Seuls les petits wagons à essieux bleus sont présents au catalogue. Il semble donc que l’entreprise ait décidé de récupérer deux wagons citernes pare soleil blancs depuis ses lignes de fabrication, et leur ait apposé des décalcomanies des marques du pétrolier. Nous avons ainsi dans le coffret 2 wagons citernes pare-soleil avec exactement la même immatriculation et deux marques de produits différents:

  • Wagon-citerne pare-soleil Uahs 21 87 007 5585 6 SNCF Fina blanc.
  • Wagon-citerne pare-soleil Uahs 21 87 007 5585 6 SNCF propane petrogaz Fina blanc bande orange.

Ce sont en réalité des modèles de citernes identiques à la référence Citerne Pare Soleil 5612 SMTS (qui possède la même immatriculation et bandes oranges, comme le wagon Petrogaz-Fina) qui a aussi existé en orange, ou encore au Jouef Butagaz numéro 6511 apparu dans le catalogue 70-71 ! Le chassis est de couleur noire, sur des essieux Y25 vissés avec attelage international, et roues en plastique. Le contacteur a inverseur à pile est ce qui se fait de plus simple dans les catalogues de l’époque. Peu de doute, pour son train, Fina a dépensé le moins possible, histoire de rentabiliser ses points au maximum !

Le coffret s’inscrit au sein d’une gamme qui comporte également un rail droit qui viendra augmenter la taille du réseau constitué par les rails courbes contenus dans le coffret.

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Le rail HO jouef qui peut être acquis avec des points Fina (photo collection de l’auteur) (c)

Le système d’attribution du train Fina repose sur une classique collecte de points : avec un plein d’essence, un rail droit est obtenu. Pour ensuite collecter la boite complète, il faut accumuler d’autres points en achetant certains produits dans les stations service Fina. La boîte est obtenue avec 10 timbres supergrade, et un chèque de 39 FF, ou un chèque de 58 FF ce qui représente environ 41 euros de 2019 (le calcul est fait avec le calculateur INSEE)

L’affiche publicitaire sur le lieu de vente qui accompagnait l’opération

Une affiche était également prévue probablement pour la promotion sur le lieu de vente. Elle est assez rare et on en trouve un exemplaire dans une réserve de collection ici. Cette affiche est datée de 1975 ce qui nous précise un peu plus la période de l’opération, qui a probablement débuté en 1971 et s’est poursuivie pendant quelques années.

Ou le trouver ?

Le Train Fina bien que son existence soit diffusée, à l’origine, relativement largement dans un programme promotionnel grand public, ne se trouve pas facilement aujourd’hui dans les brocantes ou sur les sites de ventes en ligne. Il est rare et il est possible qu’il n’ait pas finalement fait l’objet d’une fabrication importante. Pourtant, malgré sa rareté il ne semble pas avoir atteint des sommets en terme de prix. J’ai acheté mon coffret en parfait état à un amateur pour 75 euros, ce qui est hors de prix si l’on considère la qualité et l’age (50 ans !) des éléments qui composent l’ensemble, mais extrèmement peux onéreux si l’on considère pour le collectionneur Jouef son intérêt historique et sa rareté. Il semble que ce coffret n’ait pas encore atteint le degré de convoitise dont font l’objet d’autres matériels telles les locomotives HDI (aussi rarse voir moins, mais infiniment plus chères). La difficulté, ici, sera de trouver un vendeur pour vous le procurer plutôt que son prix, encore que je ne serais pas surpris de le voir rapidement devenir inabordable quand les nouveaux collectionneurs s’appercevront de sa rareté.

Pour avoir la collection complète du programme Fina, il faut aussi rechercher le rail, qui est beaucoup moins rare: il en existe en vente en permanence sur ebay. J’en ai trouvé un exemplaire dans son emballage d’origine, en parfait état, pour 5 euros. Ce qui est hors de prix pour un rail droit mais très abordable si l’on considère le prix que peuvent atteindre certains emballages dans d’autres collections.

Un mot sur les wagons citernes à essieux qui se trouvent aisément à moins de 5 euros et ne sont pas des raretés. Les citernes à bogie en boite crystal sont un peu plus chères (comptez de 25 à 40 euros).

Le coffret Fina montre – s’il en était besoin – que malgré les cotes parfois élevées pour le matériel Jouef de Champagnolles, la marque reste l’une des plus abordables pour le collectionneur et le passionné. Collection que l’on peut de surcroît montrer et faire rouler car facile à réparer avec les innombrables pièces présentes sur le marché ! Mon train Fina a maintenant 50 ans et fonctionne parfaitement !

Autres références :